Sibeth Ndiaye : porte-voix d’un gouvernement qui navigue à vue

Maxime Lherbat
4 min readMay 14, 2020
Sibeth Ndiaye en janvier à Rivesaltes (66) — crédits : Jc Milhet / Hans Lucas

Sur l’utilité des masques et l’efficacité des tests, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a fait l’objet de critiques nourries pendant cette crise du COVID–19.

Le gouvernement a toujours été dans l’anticipation” assurait Sibeth Ndiaye le 8 avril. “Il ne faut pas le nier, nous avons eu des difficultés logistiques” concédait cette dernière 12 jours plus tard. Pas facile de rester cohérent quand on “assume parfaitement de mentir pour protéger le président”*…

Quoiqu’il en soit, se retrouver sous le feu des projecteurs dans un contexte inédit de pandémie mondiale quand on s’appelle Sibeth Ndiaye, ce n’est pas une mince affaire.

Depuis les premiers cas de Covid–19 en France, la secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement est en première ligne avec les ministres pour faire face aux critiques des uns et appréhensions des autres.

Presque comm’ d’habitude

Nommée porte-parole en lieu et place de Benjamin Griveaux il y a un an, l’ancienne conseillère presse du cabinet d’Emmanuel Macron s’est très vite retrouvée sur le devant de la scène. Ce dimanche 11 mai par exemple. Apparaissant cigarette à la bouche et smartphone à la main en direct sur BFMTV, ne se doutant pas qu’elle était déjà à l’antenne, Sibeth Ndiaye a enflammé Twitter. Un incident qui ne s’avère qu’une simple faute d’inattention. Hélas, elle n’en est pas à son premier coup d’essai.

De “la meuf est dead en référence au décès de Simone Veil, au “Je suis bien consciente, et nous le sommes tous, que nos concitoyens ne mangent pas du homard tous les jours, bien souvent on mange plutôt des kebabs” en pleine polémique De Rugy, Sibeth Ndiaye s’est attirée les foudres de ses opposants et est devenue le bouc émissaire des réseaux sociaux.

Pendant cette crise du coronavirus, ses nombreuses apparitions médiatiques ne lui ont guère permis de relever le tir.

La question du masque ne doit pas masquer, si j’ose dire, tous les autres gestes barrières” – Sibeth Ndiaye, le 22 avril sur BFMTV

Les masques par exemple. Le 4 mars, à la question de Léa SalaméEst-ce que vous avez acheté des masques pour vous et pour vos enfants ?”, Sibeth Ndiaye se fend d’un “Ah non, pas du tout !” accompagné d’un rire qui semble naturel. “Vous rigolez mais la question c’est va-t-on acheter des masques ou pas ?” lui rétorque la journaliste de France Inter, yeux grands ouverts, surprise et interloquée par la réponse de son invitée. “On ne doit pas acheter de masques, et d’ailleurs on ne peut pas en acheter”. La réponse est sans ambiguïté. Pourtant, les questions autour du port du masque vont demeurer omniprésentes dans les deux mois qui suivent.

« Vous savez quoi ? Je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire : ‘Je suis une ministre, je me mets un masque’, mais en fait, je ne sais pas l’utiliser » explique-t-elle au micro de Jean-Jacques Bourdin le 20 mars dernier. Une explication ubuesque un tant soit peu compréhensible puisque deux jours avant seulement, Sibeth Ndiaye reconnaissait “quelques difficultés logistiques” dans l’approvisionnement des masques. “Lorsque nous ne sommes pas malades ou pas soignants, [le masque] n’est pas utile” martèle-t-elle par la suite.

Une communication certes hasardeuse mais qui se veut sans équivoque jusqu’à ce que l’exécutif fasse volte-face et qu’Emmanuel Macron promette un “masque grand public” lors de son allocution télévisée du 13 avril. “Son usage pourrait devenir systématique” explique-t-il un mois tout pile après que son Premier ministre avait affirmé que “le port du masque ne sert à rien”.

Les recommandations scientifiques mises en cause ?

Sibeth Ndiaye lors d’un point presse le 18 mars 2020 — crédits : Ludovic MARIN / POOL Source: AFP

“L’OMS a commencé à dire qu’il fallait tester de manière massive, quelque part de mémoire au mois d’avril, et nous avons progressivement augmenté notre capacité de tests”, a tenu à préciser Sibeth Ndiaye ce 11 mai, invitée d’Apolline De Malherbes sur BFMTV. “Il faut que ce consensus scientifique s’établisse” explique-t-elle déjà le 20 avril.

Seulement voilà, erreur de calendrier ou pas, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé, incitait tous les pays à “dépister et isoler”. “Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez”, faisait-il savoir le 16 mars dernier.

Le 21 mars, le Ministre de la Santé, Olivier Véran, s’exprime sur la question des tests : “Nous avons fait jusque-là le choix d’un usage rationnel, raisonnable et raisonné des tests”. Mais deux jours plus tard, sur CNEWS, le discours de l’exécutif évolue déjà : “Le ministre de la Santé a indiqué que nous allions augmenter progressivement notre capacité de test”, informe la porte-parole du gouvernement.

Alors que “700 000 tests virologiques à partir du 11 mai” ont été promis par Edouard Philippe le 28 avril, l’objectif semble ambitieux au vu des retards accumulés par la France. Les changements de cap du président de la République, du Premier ministre et ministre de la Santé, l’évolution constante du virus et les recommandations des scientifiques changeant constamment, Sibeth Ndiaye n’a pas réussi à faire un synthèse des informations et ainsi porter un message clair et lisible. Ses bourdes et maladresses ont rendu sa communication floue et inconstante. Suffisant pour être l’une des premières victimes du remaniement attendu après le coronavirus ?

*Si Sibeth Ndiaye confirme cette déclaration, elle rappelle malgré tout que cette phrase a été prononcée dans le but de protéger la vie privée du chef de l’Etat et ne concernait pas son action politique.

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Maxime Lherbat

22 ans. Étudiant en MBA DMB à l’EFAP. Journaliste en alternance au JDD. Diplômé en journalisme de l’EFJ et de l’ESJ Paris.